Cour Administrative d’Appel de Bordeaux n° 16BX02962 du 13 décembre 2008.
La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Gers a émis le 16 janvier 2016 un avis favorable au projet présenté par la société en nom collectif Lidl en vue de la création, après démolition du magasin existant, d'un supermarché d'une surface de vente de 1 420,80 mètres carrés sur la commune de Condom.
Plusieurs exploitants de magasins concurrents, dont la société par action simplifiée Samage, exploitante d'un magasin à l'enseigne " Intermarché " implanté dans la zone de chalandise, ont demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'annuler cet avis et d'émettre un avis défavorable au projet.
Par une décision en date du 12 mai 2016, la commission nationale d'aménagement commercial a rejeté ces recours et émis un avis favorable au projet.
Par un arrêté du 13 juillet 2016, le maire de Condom a délivré le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale correspondant au projet d'une surface de plancher de 2 409,90 mètres carrés sur des terrains cadastrés section AT n° 36, 112, 118, 126, 231, 232, 236, 238 et 253 situés au niveau du 39 avenue des Pyrénées.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 août 2016 et un mémoire enregistré le 9 février 2017, la SAS Samage, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le permis de construire du 13 juillet 2016 en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) de mettre à la charge de la société Lidl la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par deux mémoires enregistrés les 5 janvier et 1er mars 2017, la commune de Condom, prise en la personne de son maire en exercice et représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Samage d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a transmis l'ensemble des pièces du recours formé devant elle par la société Samage, par un bordereau de production de pièces enregistré le 4 août 2017.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2017, la société en nom collectif Lidl, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Samage d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 26 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au
28 février 2018 à 12 heures.
Considérant ce qui suit :
La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Gers a émis le 16 janvier 2016 un avis favorable au projet présenté par la société en nom collectif Lidl en vue de la reconstruction, après démolition du magasin existant d'une surface de vente de 651 mètres carrés, d'un supermarché de 1 420,80 mètres carrés de surface de vente sur la commune de Condom, dans le pôle commercial " Les Pyrénées " en entrée sud de la ville. La commission nationale d'aménagement commercial, saisie de trois recours contre cet avis, dont celui formé par la société par actions simplifiée Samage, a rejeté l'ensemble de ces recours et émis un avis favorable au projet. La SAS Samage, qui exploite sur la commune de Condom un hypermarché à l'enseigne " Intermarché " de 2 830 m² de surface de vente, demande à la cour d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2016 par lequel le maire de Condom a délivré le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale correspondant au projet d'une surface de plancher de 2 409,90 mètres carrés sur des terrains cadastrés section AT n° 36, 112, 118, 126, 231, 232, 236, 238 et 253 situés au niveau du 39 avenue des Pyrénées.
Sur la régularité formelle de l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial :
En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".
Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas de l'article R. 752-35 du code de commerce, ni d'aucun principe, que les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter des mentions attestant de la régularité de sa composition ou de ce que la convocation de ses membres a été accompagnée de l'envoi de l'ordre du jour et des documents nécessaires aux délibérations. En tout état de cause, il ressort des pièces produites que dix membres de la commission étaient présents, et qu'ils avaient reçu communication des dossiers en temps utile, ceux-ci étant mis à leur disposition en ligne au moins cinq jours avant la séance.
En second lieu, selon l'article R. 752-6 du même code : " (...) Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules (...) ".
Si la société Samage soutient que le dossier de demande déposé par la société Lidl ne contenait pas d'indications suffisantes permettant à la commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier les impacts du projet sur les flux de circulation, il ressort toutefois des pièces du dossier que des comptages routiers sur la RD 930 émanant des données 2012 du département du Gers sont indiqués, faisant état de 2 582 passages par jour, et que l'évaluation des flux de circulation supplémentaires de véhicules particuliers, limités à une centaine par jour sur une clientèle d'environ 740 clients par jour, ainsi que de véhicules de livraison, n'apparaît pas inappropriée pour apprécier, s'agissant seulement d'une extension d'un magasin existant, la fréquentation du site. Le dossier comporte également des indications sur l'accès au site selon les différents modes de transport, et il n'est pas établi que les informations fournies seraient erronées. Par suite, la commission nationale d'aménagement commercial a ainsi disposé des éléments suffisants permettant d'apprécier les flux de circulation générés par le projet.
Sur l'appréciation de la commission nationale d'aménagement commercial :
Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Selon l'article L. 752-6 du même code : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : /a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. L'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.
En ce qui concerne l'impact du projet sur l'aménagement du territoire :
En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet se situe au sein d'une zone d'activités, à environ 1 kilomètre au sud du centre-ville de Condom, dans une zone de chalandise connaissant une légère diminution de population. La reconstruction du magasin suite à la destruction du bâtiment existant et de deux maisons d'habitation s'effectuera sans augmentation sensible de la surface imperméabilisée. Par ailleurs, les premières habitations sont situées à moins de trois cent mètres du supermarché. Ce magasin, d'une taille relativement modeste même après l'extension, est accessible à pied et est desservi par un système de transports en commun à la demande. Enfin, l'offre commerciale de la zone de chalandise sera ainsi étoffée et diversifiée, ce qui permettra en outre de limiter l'évasion commerciale. La seule circonstance que la commune de Condom a bénéficié d'une subvention du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) en 2013 en vue de dynamiser le commerce local n'est pas de nature à démontrer que l'extension projetée nuirait à l'animation du centre-ville de Condom.
En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les flux de circulation supplémentaires attendus pour le magasin, de l'ordre de 100 clients par jour, sont minimes par rapport à la capacité des axes d'accès au site, dont il n'est pas établi ni même allégué qu'ils seraient saturés. Si l'organisation des livraisons n'est pas optimale, les camions étant amenés à manoeuvrer sur la voirie clients pour accéder en marche arrière au quai de déchargement, le décalage des horaires par rapport à ceux d'ouverture du magasin peut pallier ce défaut. Enfin, contrairement à ce que soutient la société Samage, le pétitionnaire a produit devant la CNAC les autorisations des propriétaires des parcelles sur lesquelles est prévu un second giratoire, interne à la zone commerciale, réalisé et financé par la société Lidl pour sécuriser les accès au site, ainsi que l'avis favorable des services techniques communaux et des pièces concernant les contrats signés avec des entreprises de travaux publics pour la réalisation de l'ouvrage et le coût de cet aménagement. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de la desserte doivent être écartés.
En troisième et dernier lieu, le dossier de demande indique que deux parcs de stationnement pour deux-roues seront créés, ainsi qu'un cheminement doux. L'absence de desserte du site par une piste cyclable et par une ligne de bus régulière, dont au demeurant la commune est totalement dépourvue, ne serait pas à elle seule de nature à justifier le refus de l'autorisation sollicitée.
En ce qui concerne le développement durable :
En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions (...) ".
La société Samage exploite un hypermarché dans la zone de chalandise du projet, et poursuit l'annulation du permis de construire accordé à la société Lidl en tant que professionnel dont l'activité est susceptible d'être affectée par le projet. Par suite, ses moyens ne peuvent tendre qu'à l'annulation de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Elle ne peut donc se prévaloir de la règlementation prévue par le code de l'urbanisme pour limiter la surface consacrée aux stationnements, et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-6-1 du code de l'urbanisme alors applicable doit être écarté comme irrecevable. Par ailleurs, au regard de la configuration des lieux avant le projet, le b) du 1° de l'article L.152-6 du code de commerce relatif à la consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement, n'apparaît pas méconnu.
En second lieu, le projet autorisé prévoit notamment la mise en place de dispositifs permettant l'isolation du bâtiment, la réduction des consommations d'énergie et le respect de la réglementation thermique 2012 sans augmentation de surface imperméabilisée, ainsi que le recyclage des déchets et la récupération des eaux pluviales. L'insertion paysagère est suffisamment assurée par les caractéristiques architecturales du bâtiment envisagé au sein d'une zone d'activités en entrée de ville et la plantation de près de quarante arbres supplémentaires. La CNAC n'a donc pas fait une inexacte appréciation de la qualité environnementale du projet en autorisant l'exploitation.
Il résulte de tout ce qui précède que la société Samage n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré le 13 juillet 2016 par le maire de Condom à la
SNC Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Décide :
Article 1er : La demande de la société Samage est rejetée.
Article 2 : La société Samage versera à la SNC Lidl et à la commune de Condom une somme de 1 000 euros chacune en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Samage, à la société en nom collectif Lidl, à la commune de Condom et au ministre de l'économie et des finances (commission nationale d'aménagement commercial). Copie en sera adressée pour information au préfet du Gers.
Référence : Cour Administrative d’Appel de Bordeaux n° 16BX02962 du 13 décembre 2008.
Urbanisme pratique n° 366 du 25 avril 2019.
Michel Degoffe le 25 avril 2019 - n°366 de Urbanisme Pratique
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