Arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon n° 21LY03185 du 26 septembre 2023.

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et la SCI JCO ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 13 juillet 2018 par lequel le maire de Saint-Ondras a refusé, au nom de l’Etat, d’accorder un permis de construire à la SCI JCO en vue d’aménager un bâtiment existant en tant qu’il vaut retrait du permis de construire tacite obtenu le 14 août 2018 et d’annuler la décision du 4 décembre 2018 par laquelle le maire de Saint-Ondras a refusé, au nom de l’Etat, de délivrer le certificat de permis de construire tacite qu’ils ont demandé par courrier du 14 novembre 2018.
Par un jugement n° 1900785 du 30 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2021 et un mémoire en date du 30 août 2023, ce dernier n’ayant pas été communiqué, la SCI JCO et M. A..., représentés par Me Chanon, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 30 juillet 2021 ;
2°) d’annuler les décisions du maire de Saint-Ondras du 13 juillet 2018 et du 4 décembre 2018 prises au nom de l’Etat ;
3°) d’enjoindre au maire de la commune de Saint-Ondras de leur délivrer un certificat de permis tacite ou, subsidiairement, de leur délivrer un permis de construire, dans un délai d’un mois, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Ondras une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
…
Par un mémoire enregistré le 23 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
….
Considérant ce qui suit :
1. La SCI JCO est propriétaire d’une parcelle cadastrée section ... d’une superficie de 2 800 m² sur le territoire de la commune de Saint-Ondras, sur laquelle se trouve une ancienne minoterie. Le 14 mai 2018, la SCI JCO a déposé, par l’intermédiaire de son dirigeant, M. A..., une demande de permis de construire pour transformer le bâtiment existant sur cette parcelle en un logement et en locaux professionnels. Par un arrêté du 13 juillet 2018 pris au nom de l’Etat, la commune ne disposant pas de document d’urbanisme, le maire de Saint-Ondras a rejeté cette demande au motif que le projet, situé en zone de risques d’inondation dans la carte des aléas de la commune, porte atteinte à la sécurité publique, en méconnaissance de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Par courrier du 18 novembre 2018, M. A... et la SCI JCO, s’estimant bénéficiaires d’un permis de construire tacite depuis le 14 août 2018, ont demandé la délivrance d’un certificat de permis tacite en application des dispositions de l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme. Par courrier du 4 décembre 2018, la commune a refusé de délivrer cette attestation au motif que le maire avait notifié l’arrêté de refus de permis de construire du 13 juillet 2018 au domicile de M. A... et au siège de l’entreprise, le jour même de son édiction, et qu’ainsi aucun permis tacite n’était né. La SCI JCO et M. A... ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 13 juillet 2018 et de la décision du 4 décembre 2018. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Sur la légalité de l’arrêté du 13 juillet 2018 :
2. D’une part, en vertu de l’article L. 424-2 du code de l’urbanisme : « Le permis est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au demandeur à l’issue du délai d’instruction (...) ». L’article R. 424-10 du même code dispose que « La décision accordant ou refusant le permis ou s’opposant au projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postal, ou, dans les cas prévus à l’article R. 423-48, par échange électronique (...) ». Aux termes de l’article R. 423-19 de ce code : « Le délai d’instruction court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet. ». Et selon l’article R. 423-23 : « Le délai d’instruction de droit commun est de : (...) b) Deux mois (...) pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du III du livre II du code de la construction ou ses annexes ; c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager. ». Il résulte de ces dispositions que le demandeur d’un permis de construire est réputé être titulaire d’un permis tacite si aucune décision ne lui a été notifiée avant l’expiration du délai d’instruction de son dossier et que cette notification doit, en principe, être réalisée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce qu’une décision de refus de permis de construire soit notifiée par un autre procédé offrant des garanties équivalentes et permettant d’établir que le pétitionnaire en a eu connaissance.
3. D’autre part, aux termes de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme : « La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s’ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. ».
4. Il ressort du récépissé de dépôt de la demande de permis de construire de la SCI JCO, que le dossier de cette demande a été déposé par M. A... en sa qualité de dirigeant, le 14 mai 2018. Il ressort des dispositions précitées que le délai d’instruction de cette demande était de trois mois, ce que la commune ne conteste d’ailleurs pas, alors même qu’elle a cru que ce délai était de deux mois. Le récépissé remis à la SCI JCO mentionne au demeurant que le délai d’instruction est de trois mois et qu’en l’absence de réponse notifiée dans ce délai, elle sera titulaire d’un permis de construire tacite.
5. La commune soutient que, le 13 juillet 2018, le maire a reçu l’avis défavorable des services de l’Etat chargés de l’instruction de la demande de permis de construire déposée par la SCI JCO et que, croyant ne disposer que d’un délai d’instruction de deux mois pour notifier sa décision, il a alors téléphoné à M. A... pour lui indiquer qu’il souhaitait lui remettre en mains propres l’arrêté portant refus de sa demande de permis de construire qu’il venait de signer. Elle fait valoir que, M. A... n’étant pas passé en mairie récupérer l’arrêté en cause, contrairement à ce qu’il avait annoncé, le maire, accompagné d’un élu, se serait rendu au domicile personnel de M. A..., aux Abrets, pour lui notifier en mains propres le refus de permis de construire et qu’en son absence, il aurait mis l’arrêté dans sa boîte aux lettres à 19 heures. La commune soutient que le maire et l’élu dont s’agit ont également déposé une copie de cet arrêté vers 19 h 45 dans la boîte aux lettres de la SCI JCO, sur le lieu du projet à Saint-Ondras. Toutefois, de telles modalités de notification, qui ne se sont pas traduites par une remise de l’arrêté en cause en mains propres à M. A... à titre personnel ou en tant que dirigeant de la SCI JCO, ne permettent pas de tenir pour établie la réception, contestée, des deux plis par leurs destinataires et n’offrent, en tout état de cause, pas de garanties suffisantes à ces derniers, alors que les dispositions précitées du code de l’urbanisme imposent en principe une notification avec demande d’avis de réception postal. Par suite, et sans que le maire ne puisse utilement se prévaloir de ce que l’intéressé, qui s’était déjà vu opposer une opposition à déclaration préalable, ne pouvait ignorer que sa demande serait refusée, la décision du 13 juillet 2018 ne peut être regardée comme ayant été valablement notifiée le jour-même à la SCI JCO. Il est constant que cette décision n’a fait l’objet d’aucune nouvelle notification avant le 6 décembre 2018, date à laquelle a été notifiée la décision de la commune du 4 décembre 2018 de rejet de la demande de la SCI JCO de se voir délivrer un certificat de non-opposition au permis de construire tacite dont elle s’estimait titulaire. Par suite, ainsi qu’il est soutenu, un permis de construire tacite est né le 14 août 2018, à défaut de notification de l’arrêté du 13 juillet 2018 avant cette date, et sa notification, le 6 décembre 2018, s’analyse comme une décision de retrait intervenue au-delà du délai de trois mois dont l’administration bénéficie pour retirer une telle décision si elle est illégale en vertu des dispositions précitées de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme. Dès lors que la commune n’avait été saisie d’aucune demande en ce sens de la bénéficiaire dudit permis tacite, cette décision de retrait est intervenue en méconnaissance de ces dispositions comme le soutiennent les appelants à titre principal. Cette décision étant ainsi illégale, elle doit être annulée.
Sur la légalité de la décision du 4 décembre 2018 :
6. Aux termes de l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme : « En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l’objet d’une déclaration, l’autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit. ».
7. La SCI JCO ayant été titulaire, comme il a été dit au point 5 ci-dessus, d’un permis de construire tacite, le maire de Saint-Ondras devait lui délivrer le certificat de permis de construire tacite qu’elle avait sollicité en application desdites dispositions. Par suite, le refus de délivrer un tel certificat opposé par le maire le 4 décembre 2018 a méconnu les dispositions précitées de l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme et doit être annulé.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... et la SCI JCO sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
9. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. / La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. ».
10. Le présent arrêt, qui annule la décision du 4 décembre 2018 de refus de délivrer à la SCI JCO un certificat de permis de construire tacite, implique nécessairement, eu égard à ses motifs, que la commune de Saint-Ondras lui délivre un certificat de permis tacite. Il y a lieu d’enjoindre à la commune de délivrer un tel certificat dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
…
Décide :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 juillet 2021, l’arrêté du maire de Saint-Ondras du 13 juillet 2018 et la décision du 4 décembre 2018 du maire de la même commune sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Saint-Ondras de délivrer à la SCI JCO un certificat de permis de construire tacite, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la SCI JCO et de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI JCO, à M. A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Saint-Ondras.
Référence : Arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon n° 21LY03185 du 26 septembre 2023.
Urbanisme pratique n° 468 du 4 janvier 2024.
Michel Degoffe le 04 janvier 2024 - n°468 de Urbanisme Pratique
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