Cour Administrative d’Appel de Marseille n° 17MA02206 du 21 décembre 2018.
Procédure contentieuse antérieure :
La société Edyfis a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2014 par lequel le maire de la commune de Juvignac a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'une résidence pour étudiants de 169 logements, sur les parcelles cadastrées n° 44 et n° 84 situées dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de Caunelle, actuellement dénommée " ZAC des Constellations ", ensemble le rejet implicite de son recours gracieux dirigé contre cet arrêté.
Par un jugement n° 1502774 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du maire de la commune de Juvignac du 5 novembre 2014 et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la société Edyfis contre cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2017, la commune de Juvignac, représentée par la SCP d'avocats VPNG, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mars 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Edyfis devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge de la société Edyfis une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, la SAS Edyfis, représentée par la SCP CGCB etAssociés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Juvignac de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
Par délibération du 6 novembre 2000, le conseil municipal de Juvignac a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, lequel a déterminé les modalités d'urbanisation du secteur de Caunelle. Par délibération du 7 juin 2010, le conseil municipal a approuvé le dossier de réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de Caunelle, actuellement dénommée " ZAC des Constellations ", destinée à accueillir 1300 logements sur environ 35,6 hectares, et le programme des équipements publics mis à la charge du concessionnaire. Par délibérations du 17 juin 2013 et du 17 décembre 2014, le conseil municipal a approuvé des modifications mineures apportées au dossier de réalisation, portant respectivement à 1614 puis à 1616 le nombre de logements prévus sur la ZAC et au programme des équipements publics. Par ailleurs, le maire a été habilité à signer les modifications au traité d'aménagement, objet des avenants n°s 1 et 2. Par arrêté du 5 novembre 2014, le maire de la commune de Juvignac a refusé de délivrer à la société Edyfis le permis de construire une résidence étudiante d'une surface plancher de 4 722 m2, composée de 169 logements, d'un parking semi enterré et de services communs, sur le lot D1 compris dans le périmètre de la ZAC, constitué des parcelles cadastrées n° 44 et n° 84, d'une superficie de 3 054 m2. Par le jugement dont relève appel la commune de Juvignac, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté ainsi que la décision implicite du maire rejetant le recours gracieux formé par la société Edyfis.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 novembre 2014 :
Par l'arrêté contesté, le maire de la commune de Juvignac a refusé de délivrer à la société Edyfis le permis de construire en se fondant, d'une part, sur le motif tiré de ce que le projet de construire 169 logements étudiants sur le lot D 1 excédait les prévisions de 71 logements prévus par le dossier de réalisation de la ZAC des Constellations modifié, tel qu'approuvé par la délibération du conseil municipal du 17 juin 2013, portant ainsi le nombre total de logements de 1 685 à 1614 et, d'autre part, sur le motif tiré du non-respect par ce projet de l'avenant n° 2 au traité de concession, nécessitant ainsi l'adoption d'un nouvel avenant portant augmentation du nombre de logements et permettant la modification du régime des participations aux équipements publics. Pour annuler cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a estimé que ces deux motifs ne pouvaient légalement fonder le refus de permis de construire et a rejeté la demande de substitution de motifs, présentée par la commune de Juvignac, fondée sur la méconnaissance des articles R. 431-8, R. 431-9, L. 311-6 et R. 431-23 du code de l'urbanisme ainsi que des articles 4 et 13 du règlement de la zone 2AU du PLU de la commune.
En premier lieu, selon l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. En vertu de l'article R. 311-6 du code de l'urbanisme, l'aménagement et l'équipement d'une zone d'aménagement concerté " sont réalisés dans le respect des règles d'urbanisme applicables. Lorsque la commune est couverte par un plan local d'urbanisme, la réalisation de la zone d'aménagement concerté est subordonnée au respect de l'article L. 123-3 ". L'article R. 311-7 du code de l'urbanisme dispose que : " La personne publique qui a pris l'initiative de la création de la zone constitue un dossier de réalisation approuvé, sauf lorsqu'il s'agit de l'Etat, par son organe délibérant. Le dossier de réalisation comprend : / a) Le projet de programme des équipements publics à réaliser dans la zone ; lorsque celui-ci comporte des équipements dont la maîtrise d'ouvrage et le financement incombent normalement à d'autres collectivités ou établissements publics, le dossier doit comprendre les pièces faisant état de l'accord de ces personnes publiques sur le principe de la réalisation de ces équipements, les modalités de leur incorporation dans leur patrimoine et, le cas échéant, sur leur participation au financement ; / b) Le projet de programme global des constructions à réaliser dans la zone (...) ".
Il appartient aux autorités compétentes de prendre les dispositions nécessaires pour que les autorisations individuelles d'urbanisme, dans le cadre défini par l'acte de création de la zone, la délibération approuvant le dossier de réalisation mentionnée à l'article R. 311-7 et la délibération approuvant le programme des équipements publics, fixant seulement la nature et la consistance des aménagements à réaliser, l'aménagement et l'équipement effectifs de la zone, puissent, conformément aux principes de droit commun, être accordées dans le respect des règles d'urbanisme, et notamment des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, applicables à la date de leur délivrance. Toutefois, la décision par laquelle, sur le fondement des dispositions de l'article R. 311-7 du code de l'urbanisme, la personne publique qui a décidé la création d'une zone d'aménagement concerté, en approuve le dossier de réalisation, composé notamment du projet de programme global des constructions à réaliser dans la zone, constitue une mesure seulement préparatoire aux actes qui définiront ultérieurement les éléments constitutifs de cette zone, notamment l'acte approuvant le programme des équipements publics à réaliser à l'intérieur de la zone. Ainsi, les délibérations du conseil municipal de Juvignac des 7 juin 2010 et 17 juin 2013 approuvant le dossier de réalisation de la ZAC des Constellations, notamment le programme des équipements publics et les modifications apportées au dossier, ne constituent pas des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols auxquelles les permis de construire doivent se conformer au sens des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme. Par suite, le maire ne pouvait légalement refuser de délivrer l'autorisation de construire sollicitée en se fondant sur la délibération du conseil municipal du 17 juin 2013 approuvant la modification du dossier de réalisation de la ZAC, déterminant notamment le nombre total de logements envisagés et le programme des équipements publics et a donc entaché son arrêté d'illégalité en retenant ce premier motif.
En second lieu, la commune de Juvignac ne conteste pas que, comme l'ont estimé, à bon droit les premiers juges, le second motif du refus, tiré du non-respect par le projet de construction de l'avenant n° 2 au traité de concession, ne pouvait légalement justifier le refus de permis de construire en litige.
Sur la demande de substitution de motifs :
L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
En appel, la commune de Juvignac soutient que les motifs tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8, R. 431-9, L. 311-6, R. 431-23 du code de l'urbanisme ainsi que les articles 4 et 13 du règlement de la zone 2AU sont de nature à justifier légalement l'arrêté contesté.
En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". Les dispositions de l'article R. 423-22 disposent que : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". L'article R. 431-8 du même code précise que le projet architectural comprend une notice précisant l'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants. Selon l'article R. 431-9, le plan de masse fait apparaître les plantations maintenues, supprimées ou à créer. Enfin, l'article 13 du règlement de la zone 2AU du plan local d'urbanisme de la commune prévoit que dans la mesure du possible, les plantations existantes doivent être maintenues ou remplacées par des plantations équivalentes.
Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'ensemble des pièces annexées à la demande de permis de construire, plus précisément les clichés photographiques PC7 relatif à l'environnement proche et PC 8 concernant le terrain dans le paysage lointain, que le terrain d'assiette du projet est dépourvu de plantation. A supposer que, comme le soutient la commune de Juvignac, la notice jointe à la demande de permis, destinée à préciser l'état initial du terrain, aurait été insuffisante, les autres pièces du dossier de permis de construire ont permis au service instructeur d'apprécier le respect par le projet, des dispositions de l'article 13 du règlement de la zone 2AU du plan local d'urbanisme de la commune. Dans ces conditions, ce motif ne pouvait légalement justifier le refus de délivrance du permis sollicité.
10. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'urbanisme : " Les cessions ou concessions d'usage de terrains à l'intérieur des zones d'aménagement concerté font l'objet d'un cahier des charges qui indique le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée. Le cahier des charges est approuvé lors de chaque cession ou concession d'usage par le maire (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 431-23 du même code : " Lorsque les travaux projetés portent sur une construction à édifier dans une zone d'aménagement concerté, la demande est accompagnée : a) Lorsque le terrain a fait l'objet d'une cession, location ou concession d'usage consentie par l'aménageur de la zone, d'une copie de celles des dispositions du cahier des charges de cession de terrain qui indiquent le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée(...) ".
Il résulte notamment des dispositions des articles
L. 123-3 et L. 311-6 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), ainsi que de l'article L. 421-6 du même code, que le nombre de mètres carrés de surface hors oeuvre nette ou de surface de plancher dont la construction est autorisée sur une parcelle cédée au sein d'une ZAC est déterminé par le cahier des charges qui doit accompagner, y compris lorsque la ZAC a été créée avant l'entrée en vigueur de la loi SRU, la cession du terrain, et auquel l'approbation par l'autorité administrative compétente confère un caractère réglementaire. En l'absence d'une telle détermination, et à défaut de coefficient d'occupation des sols (COS) qui soit applicable, l'autorité chargée de la délivrance du permis de construire ne peut connaître la surface dont la construction est autorisée sur la parcelle et celle qui reste autorisée sur les autres parcelles du même îlot. Par suite, elle ne peut, en principe, légalement délivrer un permis de construire sur la parcelle considérée.
Il est constant qu'à la demande de permis de construire déposée par la société Edyfis, étaient annexés un extrait de cahier des charges incomplet et la fiche de lot n° D1 établie le 27 janvier 2012 et signée notamment par l'aménageur et le propriétaire du lot. Contrairement à ce qu'affirme la commune, cette fiche mentionne les droits à construire attachés au lot D1 ayant vocation à accueillir un ensemble de logements d'une superficie hors oeuvre nette de 4 799 m2. Dès lors, le service instructeur a été à même de vérifier la surface de plancher des constructions envisagées par le projet au regard de l'étendue des droits à construire autorisés et apprécier la conformité du projet à la réglementation applicable. Par suite, la commune ne peut soutenir que la méconnaissance des articles L. 311-6 et R. 431-23 du code de l'urbanisme justifiait le refus opposé à la demande de permis de construire.
En dernier lieu, l'article 4 du règlement de la zone 2AU du PLU de la commune dispose que : " (...)Un schéma d'ensemble et une étude hydraulique sur le ruissellement des eaux pluviales devra être joint à tout projet de lotissement ou d'opération groupée de plus de 1 000 m2 de surface de plancher ou réalisé sur un terrain de plus de 3 000 m2. Pour les opérations de construction prévoyant une surface de plancher supérieure à 1 000 m2, une rétention des eaux pluviales à la parcelle est imposée "..
Au point 15 du jugement attaqué, les premiers juges ont estimé qu' " il ressort des pièces du dossier, et notamment du projet de programme des équipements publics annexé à la délibération du conseil municipal du 17 juin 2013, que la réalisation de l'ensemble du schéma d'assainissement pluvial de la ZAC intégrant le volume nécessaire du tramway est à la charge de l'aménageur pour un coût global de 1 544 0202 euros ". En se bornant à alléguer, en appel, qu'aucune pièce du dossier de la demande de permis de construire ne décrivait le système de rétention des eaux pluviales, la commune de Juvignac ne conteste pas le motif ainsi énoncé au point 15 du jugement, qu'il y a lieu d'adopter en l'absence de précision à apporter.
Il résulte de tout ce qui précède que les motifs dont la commune de Juvignac demande à la Cour la substitution ne peuvent justifier légalement le refus opposé à la demande de permis de construire, sollicitée par la société Edyfis. Par suite, la commune de Juvignac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du maire du 5 novembre 2014.
Sur les frais liés au litige :
Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Edyfis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Juvignac demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Juvignac une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Edyfis et non compris dans les dépens.
Décide :
Article 1er : La requête de la commune de Juvignac est rejetée.
Article 2 : La commune de Juvignac versera à la société Edyfis une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Juvignac et à la SAS Edyfis.
Référence : Cour Administrative d’Appel de Marseille n° 17MA02206 du 21 décembre 2018.
Urbanisme pratique n° 368 du 23 mai 2019.
Les permis ne doivent pas se conformer à des mesures préparatoires
La délibération sur laquelle s’est appuyé le maire pour refuser le permis a été votée sur le fondement de l'article R. 311-7 du code de l'urbanisme : "la personne publique qui a pris l'initiative de la création de la zone constitue un dossier de réalisation approuvé, sauf lorsqu'il s'agit de l'Etat, par son organe délibérant. Le dossier de réalisation comprend : a) le projet de programme des équipements publics à réaliser dans la zone ; (…) ; b) le projet de programme global des constructions à réaliser dans la zone (…)". Cette délibération constitue une mesure seulement préparatoire aux actes qui définiront ultérieurement les éléments constitutifs de cette zone, notamment l'acte approuvant le programme des équipements publics à réaliser à l'intérieur de la zone. Elle ne peut donc pas justifier un refus de permis (CAA Marseille 21/12/2018, n° 17MA02206).
Michel Degoffe le 23 mai 2019 - n°368 de Urbanisme Pratique
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