Cour Administrative d’Appel de Marseille n° 10MA01762 du 29 mars 2012.

La COMMUNE DE ST-PIERRE-DES-TRIPIERS demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0803053 du 6 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé, à la demande de M.M. A et B et de l’association Les Amis de Saint- Pierre, l’arrêté du préfet de Lozère en date du 4 août 2008 délivrant à la commune de Saint-Pierre-des-Tripiers un permis de construire ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de M.M. A et B et de l’association Les Amis de Saint-Pierre la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé, à la demande de M.M. A et B et de l’association Les Amis de Saint- Pierre, l’arrêté du 4 août 2008 par lequel le préfet de la Lozère a délivré à la COMMUNE DE ST-PIERRE-DES-TRIPIERS un permis de construire une salle d’animation et deux gîtes ; que la commune relève appel de ce jugement ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. » ;
Considérant que la parcelle cadastrée section E n° 211, terrain d’assiette du projet de la commune, est située dans le champ de visibilité du hameau Le Village de Saint-Pierre des Tripiers, site inscrit par arrêté du 2 février 1944, représentatif de l’architecture caussenarde ; qu’elle est en outre contiguë au terrain qui supporte une église romane inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que l’église présente son chevet à la parcelle qu’elle surplombe ; qu’il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ce projet de trois bâtiments, qui porte sur une surface hors oeuvre nette limitée de 337 m2, qui a reçu un avis favorable de l’architecte des Bâtiments de France sous réserve de prescriptions particulières sur les pierres apparentes, les maçonneries, les cheminées, le faîtage et les lucarnes, toutes reprises par le permis de construire litigieux, et qui est situé derrière l’église, serait de nature à porter une atteinte manifeste au caractère et à l’intérêt des lieux avoisinants au sens des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme ; que, dès lors, c’est à tort que les premiers juges ont considéré que le permis de construire en litige avait été délivré en méconnaissance de ces dispositions ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M.M. A et B et l’association Les Amis de Saint-Pierre devant le tribunal administratif de Nîmes ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 425-17 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée: « Lorsque le projet est situé dans un site classé ou en instance de classement, la décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès prévu par les articles L. 341-7 et L. 341-10 du code de l’environnement : a) Cet accord est donné par le préfet, après avis de l’architecte des Bâtiments de France, lorsque le projet fait l’objet d’une déclaration préalable ; b) Cet accord est donné par le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans les autres cas. » ;
Considérant que le terrain d’assiette du projet de la commune n’est pas situé dans le site classé des Gorges du Tarn et de la Jonte ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent M. A et autres, le préfet n’avait pas à faire application des dispositions de l’article R. 425-17 du code de l’urbanisme ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Les travaux et projets d’aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d’approbation, ainsi que les documents d’urbanisme, doivent respecter les préoccupations d’environnement. / Les études préalables à la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages qui, par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences. (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 122-8 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Ne sont pas soumis à la procédure de
l’étude d’impact, sous réserve des dispositions de l’article R. 122-9, les aménagements, ouvrages et travaux dont le coût total est inférieur à 1 900 000 euros. » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à supposer que la construction d’une salle d’animation et de deux gîtes puisse être regardée comme étant un projet d’aménagement au sens de ces dispositions, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce projet serait de nature,
par ses dimensions ou par ses incidences à porter atteinte au milieu naturel dans lequel il s’insère ; qu’en tout état de cause, le coût total des travaux est inférieur au seuil fixé à 1 9000 000 euros par l’article R. 122-8 du code de l’urbanisme ; que, dès lors, M. A et autres ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire litigieux ne pouvait être légalement délivré à la commune par le préfet sans qu’une étude d’impact eût été préalablement réalisée ;
Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme : « Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L’état initial du terrain et de ses abords indiquant, s’il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l’insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L’aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L’implantation, l’organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L’organisation et l’aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la demande de permis de construire comprend l’ensemble des éléments exigés par ces dispositions ; que, dès lors, le préfet n’a pas délivré le permis de construire litigieux en méconnaissance de ces dispositions ;
Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article L. 621-31 du code du patrimoine dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Lorsqu’un immeuble est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l’objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d’aucune construction nouvelle, d’aucune démolition, d’aucun déboisement, d’aucune transformation ou modification de nature à en affecter l’aspect, sans une autorisation préalable (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 431-14 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque le projet porte sur des travaux nécessaires à la réalisation d’une opération de restauration immobilière au sens de l’article L. 313-4 ou sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, sur un immeuble adossé à un immeuble classé ou sur une construction existante située dans un secteur sauvegardé, dans le champ de visibilité d’un monument historique défini à l’article L. 621-30-1 du code du patrimoine ou dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l’article L. 642-1 du code du patrimoine, la notice mentionnée à l’article R. 431-8 indique en outre les matériaux utilisés et les modalités d’exécution des travaux. » ;
Considérant que M. A et autres ne peuvent utilement soutenir que ces dispositions ont été méconnues par le préfet dès lors que celles-ci s’appliquent aux seuls immeubles existants et non aux constructions nouvelles ;
Considérant, en cinquième lieu, que M. A et autres ne peuvent utilement se prévaloir du classement du terrain d’assiette du projet de la commune en zone N par la « carte communale « de St-Pierre-des-Tripiers dès lors que cette dernière était un document de type M.A.R.N.U., d’une durée de validité de quatre ans, non renouvelée et, par suite, devenue caduque à la date de l’autorisation de construire critiquée, délivrée au regard des seules règles nationales d’urbanisme ;
Considérant, en sixième lieu, qu’aux termes de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « (...) IV. - Le développement touristique et, en particulier, la création d’une unité touristique nouvelle doivent prendre en compte les communautés d’intérêt des collectivités locales concernées et contribuer à l’équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant l’utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative pour les constructions nouvelles. / Leur localisation, leur conception et leur réalisation doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels. » ; qu’aux termes de l’article L. 145-9 du même code : « Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches : 1° Soit de construire des surfaces destinées à l’hébergement touristique ou de créer un équipement touristique comprenant des surfaces de plancher ; 2° Soit de créer des remontées mécaniques ; 3° Soit de réaliser des aménagements touristiques ne comprenant pas de surfaces de plancher dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat » ; qu’aux termes de l’article L. 145-11 dudit code : « Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale, la création et l’extension d’unités touristiques nouvelles sont soumises à autorisation. Le projet est préalablement mis à la disposition du public. I. - L’autorisation est délivrée par le préfet coordonnateur de massif, après avis de la commission spécialisée du comité de massif, lorsqu’elle porte sur des remontées mécaniques qui ont pour effet la création d’un nouveau domaine skiable ou l’extension du domaine skiable existant au-delà d’un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat, ou sur une opération qui présente un intérêt régional ou interrégional en raison de sa surface ou de sa capacité d’accueil. II. - L’autorisation est délivrée par le représentant de l’Etat dans le département, après avis d’une formation spécialisée de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et des sites, lorsqu’elle porte sur une remontée mécanique ayant pour effet l’extension d’un domaine skiable existant au-delà d’un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat, ou sur une opération qui présente un intérêt local en raison de sa situation, de sa surface ou de sa capacité d’accueil. (...) III. - La création ou l’extension d’unités touristiques nouvelles autres que celles mentionnées aux I et II n’est pas soumise à autorisation. » ; qu’aux termes de
l’article R. 145-3 du même code : « Sont soumises à autorisation du préfet de département, en application du II de l’article L. 145-11, les unités touristiques nouvelles ayant pour objet : (...) 2° Les opérations suivantes, lorsqu’elles ne sont pas situées dans un secteur urbanisé ou dans un secteur constructible situé en continuité de l’urbanisation : a) La création ou l’extension, sur une surface de plancher hors oeuvre nette totale supérieure à 300 m2, d’hébergements touristiques ou d’équipements touristiques ; (...) »,
Considérant, d’une part, que, le projet de la commune n’est de nature à porter atteinte ni à la qualité du site du hameau Le Village de Saint-Pierre des Tripiers ni au milieu naturel existant ; que, par suite, les dispositions de l’article L. 145-3 IV du code de l’urbanisme, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n’ont pas été méconnues ; que, d’autre part, il résulte de l’ensemble de ces dispositions que deux gîtes et une salle d’animation, d’une surface hors oeuvre nette de 337 m2, situés dans un secteur urbanisé, ne constituent pas une unité touristique nouvelle soumise à autorisation en application de la loi dite loi Montagne ; que, dès lors, M. A et autres ne peuvent utilement faire valoir l’absence d’avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et des sites ;
Considérant, en septième lieu, qu’aux termes de l’article R. 111-15 du code de l’urbanisme : « Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d’environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement. Le projet peut n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l’environnement. » ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent M. A et autres, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du projet d’assainissement communal sur la parcelle E 211, que les constructions projetées, situées en amont d’une source naturelle existant sur les parcelles E 212 et E 182, représenteraient un risque de pollution de cette eau qui aurait dû conduire le préfet à ne délivrer le permis de construire à la commune que sous réserve de prescriptions spéciales, dont les requérants, au demeurant, ne précisent pas quel devrait être le contenu ;
Considérant, en huitième lieu, que M. A et autres soutiennent que le projet de salle d’animation ne respecte pas les dispositions réglementaires issues du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 dès lors qu’il ne prévoit pas l’accessibilité aux personnes handicapées « de la voie publique aux constructions projetées », sans assortir leur moyen d’autres précisions ; qu’il ressort du dossier de la demande de permis que le projet, qui a fait l’objet d’un avis favorable de la sous-commission accessibilité qui l’a estimé « conforme à la réglementation «, prévoit une place de stationnement aménagée à proximité de l’entrée de la salle d’animation située au même niveau ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Considérant, enfin, que la circonstance que la commune pourrait se voir céder par M. A un terrain différent, susceptible de supporter son projet, est sans incidence sur la légalité du permis de construire litigieux ;
Décide :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 novembre 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M.M. A et B et l’association Les Amis de Saint-Pierre devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : M.M. A et B et l’association Les Amis de Saint-Pierre verseront à la COMMUNE DE ST-PIERRE-DES-TRIPIERS une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE ST-PIERRE-DES-TRIPIERS, à M. Marcel B, à M. Claude A à l’association Les Amis de Saint-Pierre et au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Référence : Cour Administrative d’Appel de Marseille n° 10MA01762 du 29 mars 2012.
Urbanisme pratique n° 235 du 30 mai 2013.
Michel Degoffe le 30 mai 2013 - n°235 de Urbanisme Pratique
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